L'Amérique du Nord et Centrale à vélo
L'Ontario (1)
Première frontière
Le jour suivant je traverse Rouyn-Noranda, une sorte d’agglomération qui fait office de capitale régionale et en profite pour faire quelques courses avant la brousse. Au cours de cette journée je sors du Québec et entre en Ontario. De ce côté-ci de l’Ontario on parle encore un peu français, mais ça s’estompe rapidement.
Je croise des ours en bois, rien de bien dangereux… et continue ma route jusqu’à engelhart dernier gros village avant la brousse de chez bois de conifères ! Je profite une fois de plus de la lumière de fin de journée pour claquer quelques photos de lacs et finis par planter ma tente derrière une station service en plein Engelhart.
Le lendemain, c’est le début d’une errance de cinq jours à travers la forêt. Quasiment aucun village ou magasin, et quand il y en a, ils n’ont vraiment pas beaucoup de choix pour moi… Le problème c’est que moi, naïvement, je pensais que s’il y avait un village indiqué sur ma carte, il y avait forcément un magasin… Erreur mon cher Watson. La réciproque est peut-être vrai mais mais pas la proposition originale…
En tout cas, si ce n’est l’horrible vent contre, ma journée se déroule sans encombre et je termine le soir, complètement vidé (et endolori des genoux et chevilles… oui, un peu de nouveauté, pourquoi pas ?) après tout juste 101 Km. Ceci dit, je ne suis pas très rassuré car je suis sur un territoire de chasse à l’ours et même si mes plus récents interlocuteurs ont tenté de me rassurer, je stresse un peu à l’idée d’un ours qui souhaiterait goûter à mon sens de l’hôspitalité et plus si affinité, le tout sous ma tente.
L’endroit où je campe est juste au bord d’une rivière, sur une espèce d’aire de repos. Il y a de gros containers métalliques qui sont en fait des poubelles. Elles ferment avec une poignée spéciale afin que les ours ne puissent pas les ouvrir. C’est super rassurant je vous dis. En tout cas, je fais comme tout le monde m’a conseillé : je laisse ma nourriture dans un sac plastique, accroché à une branche d’arbre à une vingtaine de mètres de ma tente.
Le lendemain je suis heureux de voir qu’aucun ours ne m’a dévoré pendant la nuit, ce qui va me premettre de continuer mon voyage dans de bonnes conditions, et qu’en plus, bonheur ultime, aucun ours ni écureuil n’a touché à mes barres de céréales ou mes spaghettis… Et je reprends donc la route sous un temps couvert qui se dégage peu à peu pour laisser place… au vent. Eh oui ! Encore et toujours lui… C’est évidemment très déprimant mais je n’ai pas le choix. Il faut que j’avance. Je prends donc mon mal en patience et parcours petit à petit les kilomètres qui me séparent de la destination que je me suis fixée pour aujourd’hui. Je fais souvent des pauses pour boire un coup ou grignoter des barres de céréales, et je repars toujours aussi navré de voir que le vent ne faiblit pas.
En fin de journée la route se transforme en chemin de graviers. En fait, c’était plus ou moins prévu mais seulement APRÈS l’intersection avec la 144. Or, présentement, je me coltine 15 kilomètres de graviers, parfois épais et presque pas roulables, AVANT la fameuse intersection.
Mon but pour aujourd’hui était d’atteindre cette fameuse intersection pour voir si je prenais la 144, belle et large route asphaltée, vers le sud, entraînant un détour d’au moins une journée de vélo, minimum… Ou si je pouvais prendre la 'Sultan's Road' (qui mène au bled de Sultan), charmante petite route de graviers pendant 80 kilomètres, aussi surnommée ‘Satan’s Road’ rapport au jeu de mot… Comme le soleil en a encore pour une petite heure avant de se coucher, je décide de m’engager sur 'Satan’s Road'.
Un pick-up me double après quelques kilomètres et s’arrête pour me demander si je ne suis pas perdu (pas le pick-up, hein… son chauffeur…). Je lui dit que non et j’en profite pour me renseigner à nouveau sur les ours. Son discours se veut TRÈS rassurant. Il me dit que ça ne craint rien du tout, que ce sont de petits ours, qu’il n’y a pas de grizzli dans l’est du Canada et que, globalement, c’est tranquille pour moi si je veux camper au bord du chemin plus ou moins dans la forêt.
Me voilà relativement rassuré. Je termine donc ma journée de vélo après 101 Km (oui, je mets un point d’honneur à ne pas rouler moins de 100 Km par jour… Je sais, c’est un peu stupide, mais bon, qui ne l’est pas…). Je trouve une espèce de chantier de déboisement qui me rappelle un peu des choses que j’ai pu voir en Amazonie. Un véhicule de chantier trône au beau milieu de ce décors végétalo-apocalyptique. Je plante donc ma tente juste à côté, ça me rassure, et je laisse mon sac de bouffe un peu plus loin.
Décidément, les ours et les écureuils ne semblent pas être particulièrement attirés par mes barres de céréales, mon Tang orange et mes spaghettis. Tant mieux.
Me voici donc reparti sous un sympathique orage et toujours contre le vent en direction de Sultan.
Malgré tout je roule pas mal et suis à Sultan en milieu d’aprà s-midi. J’y trouve un ‘magasin’ où acheter un peu à boire et à manger. Il s’agit en fait d’un magasin d’appâts pour la pêche et la chasse. J’y trouve quand même un peu de Coca et des chips pas bonnes. La dame qui le tient me prend en sympathie et m’offre un sandwich ainsi qu’une autre cannette. Elle m’explique un peu la région, la chasse à l’ours et à l’élan.
Pour les ours, c’est simple : il suffit d’acheter un permis pour avoir le droit de tuer un ours. Ce n’est pas donné et il n’y a bien sûr (et heureusement !) aucune garantie… Pour les élan, c’est encore plus drôle. Les chasseurs payent pour avoir le droit de participer à une loterie. Les quelques chanceux qui sont tirés au sort auront le droit de tuer un élan (un peu moins chanceux lui… Mais bon, le malheur des uns ne fait-il pas le bonheur des autres…?). Les autres, ils attendront l’année prochaine, ou du moins, la prochaine période de chasse, et tenteront à nouveau leur chance à la loterie.
C’est également elle qui me dit que je me trouve au cœur de la région qui concentre le plus d’ours de tout l’Ontario, plusieurs centaines de milliers d’après elle… Nous terminons notre conversation sur une note un peu moins positive. D’après elle, les ours sont TRÈS dangereux et il faut les ‘respecter’. Je la rassure en lui disant que je les respecte… Si elle voyait les photos que je mets sur mon blog, elle ne serait pas très contente je crois… Et je repars en direction de la route 129.
J’arrive à l’intersection de la route 129 peu avant la nuit et me dirige donc vers un camping que m’a indiqué la dame de Sultan. Ça s’appelle 5 mile lodge parce que c’est à 5 miles au sud de la susmentionnée intersection. Pas con, hein ? J’y campe au bord d’un lac avant de repartir le lendemain en direction du sud cette fois-ci (après être allé plein ouest cette dernière semaine).
Le vent est enfin avec moi mais c’est le relief qui s’en mêle maintenant. Beaucoup de côtes et de rivières à franchir. Les paysages changent un peu, rapport au relief, et ce n’est pas pour me déplaire. En fin de journée j’ai rejoint la Mississagi River et je la longe toujours en direction du sud.
Au bout d’environ 140 kilomètres, je tombe, tout comme la nuit, sur 2 américains revenant broucouilles de la chasse. L’un vient de l’indiana, pas trop loin donc, et l’autre de la Floride. Ils m’invitent gentiment à dormir dans leur cabane de chasseurs. J’accepte gentiment et prends gentiment ma première gentille douche Mururoa de la semaine…
Ils me donnent quelques précisions sur la chasse et notamment sur le fait que, d’après eux, il n’y ap vraiment pas beaucoup d’ours dans la forêt. A part celui qui vient toutes les nuits essayer de bouffer leurs appâts mais qu’ils n’ont pas le droit de tuer car ce n’est pas sur le territoire pour lequel ils ont un permis. Pas con… l’ours…
Bref, je suis quand même bien content de dormir au chaud, dans un vrai lit et avec zéro millimètres de crasse sur le corps…
Et je repars le lendemain en espérant passer la frontière américaine le jour même. Je ne suis plus qu’à 120 Km de Sault Sainte Marie, le soleil est au rendez-vous et le vent semble plus ou moins avec moi.
Après une quarantaine de kilomètres, je me rends au bord d’une rivière où, m’ont-ils dit (les chasseurs d’hier), on peut voir les saumons remonter la rivière et bondir hors de l’eau, comme dans les documentaires à la télé… Eh ben c’est vrai, et c'est drôlement impressionant. Bon, certes, il y a là toute une batterie de pêcheurs (ou de chasseurs frustrés de ne pas attraper d’ours) et qui viennent, moyennant un permis de pêche bien sûr, jouer à la pêche aux canards et sortir des saumons de la rivière un peu comme les truites dans un bassin de pisciculture. C’est d’autant plus desepérant pour les poissons qu’un peu plus en amont il y a un barrage qu’ils ne pourront de toute façon pas franchir…
En repartant je demande à un voisin, Ben, de me dépaner pour mon vélo. Mon porte bagages arrière est en effet un peu en souffrance ces derniers temps. Le voisin s'appelle Ben, il est fort sympathique. Il m'aide évidemment à réparer mon vélo et me montre également les épées qu'il fabrique à partir de toles rouillées. Hallucinant !
Je continue ensuite sous le soleil et à travers la jolie campagne en direction de Sault. Je me trompe de chemin et me retrouve au bord d'un lac dans la propriété d'une dame très gentille, d'origine allemande, et qui m'invite à prendre le goûter chez elle. Elle m'explique que son mari a construit tous les chalets alentours de ses propres mains. Je suis sérieusement impressioné. Comme j'ai dû gravir une énooooorme côte et la redescendre ensuite pour venir me perdre chez elle, et comme il va falloir que je me refasse tout ce chemin en sens inverse, voyant mon écoeurement, elle me propose de me remonter en pick-up en haut de la côte, ce que j'accepte presque les larmes (de joie) aux yeux...
Je croise ensuite un autre cyclo-randonneur, un Ontarien, Jérémy, fort sympathique au demeurant. On commence à rouler ensemble et il me parle d’un endroit dans Sault où l’on peut camper gratuitement car c’est juste derrière un magasin de cycles qui soutient les voyages à vélo. Il me convainc d’y passer la nuit également et de ne franchir la frontière que demain matin.
Nous arrivons donc à Vèlorution en toute fin de journée et plantons nos tentes avant le déluge nocturne.