L'Amérique du Nord et Centrale à vélo
Le Mexique (2)
Zigzags en zone Zapatiste...
Bref, le jour suivant, je repars de Palestina, toujours sur cette terrible piste en bois (c'est une expression !).
Les distances sont toujours plus longues que sur ma carte ou que les informations des gens à qui je demande. C'est un peu lourd. J'arrive au poste d'immigration du Guatemala où je fais tamponner ma sortie sans payer l'impôt immaginaire que tente de me faire raquer l'officiel en place. D'après lui, il ne me reste que 4 Km avant La Tecnica, bled où l'on traverse la rivière pour se rendre du côté mexicain des choses... D'après le gars qui change de l'argent, c'est plutôt 7 Km. D'après un gars qui habite au bord du chemin 5 Km plus loin, c'est encore 8 Km (soit 13 depuis le poste frontière...). tout ça pour vous dire la fiabilité des infos kilométriques par ici... Finalement, ce sera 15 Km en tout, et non sans autres coups de stress... Je vois d'abord passer une camionette dont le passager est armé d'un fusil à pompe (cela semble être l'arme officielle dans le coin). Je me dis que c'est surement pour protéger la marchandise des VRAIS bandits. Mais ensuite, alors que je fais une pause respiration en haut d'une côte, je vois arriver 2 gars sur une moto. Le problème c'est que le passager tient lui aussi un fusil à pompe entre ses mains. Je me dis que cette fois-ci, ça y est, c'est pour moi... C'est trop con, si près du but, à peut-être seulement 2 Km de la frontière mexicaine (ou 4, ou 8 ou 37...), un pays où il n'y a pour ainsi dire AUCUN problème d'insécurité... C'est vraiment trop con ! Oui, mon coup de stress est une fois de plus vraiment trop bête... Les deux gars passent près de moi en me saluant d'un sourire auquel je réponds encore plus heureux que d'habitude...
J'arrive à la frontière où je négocie âprement mon passage du côté mexicain du fleuve : 25 Quetzales (toujours 2,5 €). Et me voici de retour au Mexique, sain et sauf après avoir traversé un bout de ce pays de sauvages sanguinaires tous armés de fusils à pompes... Une idée de business : ouvrir un magasin de fusils à pompes dans la région de Petèn au Guatemala. Succés garanti ! Blagues à part, à défaut de m'être fait aggresser par des bandits guatemaltèques, j'ai trouvé des gens pour la plupart sympas, souriant et toujours disposés à m'aider pour quoique ce soit : trouver mon chemin, calculer magiquement les kilomètres, recharger mon fusil à pompe, etc. Ce premier passage éclair au Guatemala m'a bien plu et j'ai hâte d'y retourner, dans quelques jours.
Pour l'instant, me voici au Mexique. Je rejoins la route principale, celle qui remonte vers Palenque (mon but de demain). en chemin je tombe sur un singe hurleur. Au début, je crois qu'il s'agit de gars en train de scier un arbre à la main. Mais, en levant les yeux, j'aperçois ce bon gros mâle en train d'hurler je ne sais quoi à toute la forêt.
Une fois la route récupérée je me tape une bonne montée, d'une dizaine de kilomètres, avant de plus ou moins redescendre sur le croisement à Nueva Palestina. Oui, euh... En fait, ce n'est pas la même qu'hier, sinon on serait dans la quatrième dimension. Non, il s'agit d'un bled qui s'appelle cette fois Nueva Palestina, mais qui lui est au Mexique. Il y a une base militaire avec point de controle routier à cet endroit là (ça ne vous rappelle rien ?). C'est tout de même plutôt rassurant. Je décide de squatter une sorte de cabane au bord de la route après avoir sympathisé avec les militaires en jouant au foot avec eux.
Une nuit au hamac et me voici reparti pour une nouvelle bonne étape (123 Km) en direction de Palenque. Le vent est a peu près dans le bon sens, mais comme ça ne fait que monter et descendre, mais surtout monter, la journée me paraît bien longue. Ceci dit, j'ai quand même le plaisir de voir et photographier un toucan depuis le bord de la route. J'arrive à Palenque en fin d'après-midi. demain, je visite les ruines.
Ce matin, je me lève relativement tôt pour me rendre aux ruines. Je ne m'y connais pas plus qu'il y a quatre jours en ruines et civilisation maya, mais j'aprécie tout autant la beauté de ces ruines, de leur emplacement et de la forêt environnante. En plus il fait beau, alors...
La visite ne durant pas une éternité, je rentre sur Palenque et en profite pour faire quelques bonnes actions... envers ma personne... : visite chez un dentiste pour remettre un plombage tombé il y a quelques semaines, visite chez le coiffeur pour me couper les cheuveux qui ne l'ont pas été depuis quelques semaines, Achat de d'une paire de chaussure car la mienne est en état de mort clinique depuis plusieurs semaines, etc.
Le lendemain, comme le disait un espagnol avec qui j'évoquais mon itinéraire : "terminées les vacances"! En effet, je prends la route en direction de san Cristobal de Las casas (227 Km) que je compte atteindre demain après une étape à Ocosingo, à peu près à mi-chemin. Or, si Palenque se situe à environ 100/150 m d'altitude, San Cristobal se trouve à 2100 m. En cette première journée de montagne je me grimpe du col à 1200 m avec quelques descentes qui me rajoutent donc des montées. C'est très éprouvant et je suis vraiment content d'arriver sur Ocosingo avant la nuit. En plus je trouve un hotel pas trop cher.
Le lendemain, c'est encore plus difficile. Même si je pars d'environ 1000 m, je dois franchir du col à 2400 m avant de terminer sur San Cristobal. En plus de cela, j'ai la fatigue accumulée d'hier dans les jambes et j'ai l'impression que je n'avance pas... en même temps, ce n'est pas qu'une impression.. Je n'avance vraiment pas très vite dans ces montées. Il fait beau, heureusement, et je trouve finalement, je ne sais pas où (Laurent osera-t-il mentionner mes réserves stomacales...?), les ressources nécessaires pour franchir le col à 2400 avant de redescendre enfin sur San Cristobal.
Je suis à San Cristobal à la tombée du jour et je dois dire que je ne suis pas peu fier de moi. Ces deux étapes ont été vraiment éprouvantes et c'est le genre de journée où l'on se demande si on va y arriver. Et quand on y arrive, c'est la joie, avec un "J" majuscule !
Je me rends dans un hostel repéré sur le Lonely Planet et m'écroule comme une loque, malgré les autres backpackers fêtards.
Le lendemain, c'est visite tranquille de la ville qui est juste magnifique. C'est colonial : maisons aux couleurs pastelles ou blanches, tuiles de terre cuite, rues pavées, églises décorées à la chantilly et le tout sous un ciel d'un bleu non pollué.
Bref, c'est très agréable. J'en profite pour vous rappeler que les zapatistes (pas les admirateurs de frank Zappa) du Sous Commandant Marcos avaient pris la ville en 1994, pendant quelques jours, et l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) est toujours active dans la région.
Au détour d'une rue, je tombe sur une scène assez drôle d'un "homme sandwich" en train de danser devant une pharmacie. Je kiffe grave, notamment le check à la fin avec le gars en costume.
Le soir, rebelote, cette fois-ci ce sont les finlandais qui ont sorti l'artillerie lourde, une sorte de whisky de chez eux, après qu'ils eurent vidé en un clin d'oeil la bouteille de vodka de Laïos, un ingénieur hongrois travaillant au CERN et parlant français. Je sympathise un peu plus avec un couple de canadien, lui est du Nouveau Brunswick et elle d'Ottawa. Après quelques défections, les survivants peuvent admirer l'éclipse de 1H à 4H et quelques du matin... Perso, je ne vais pas jusqu'au bout car demain j'ai de la route qui m'attend.
Le lendemain, justement, je quitte cette très sympathique ville de San Cristobal de Las Casas, pour entamer un parcours de 4 jours (j'espère...) en direction du lac Atitlàn au Guatemala (chez les fusils à pompe...). Ca commence par une grosse montée et ça continue par une petite montée, puis une petite descente, puis une autre montée, le tout parsemmé de villages, hameaux et champs de maïs.
Après une énième montée j'entame enfin la descente sur Comitàn de Dominguez, grosse ville du coin, que je franchis en deux temps trois coups de pédales... 20 kilomètres plus loin, contre le vent mais protégé par la bande d'arrêt d'urgence de ce tronçon d'autoroute, j'arrive à La Trinitaria où je décide de passer la nuit. Le soir, j'en profite pour faire un tour au Parque Central et suis le témoin d'une procession de Noël sur le thème : comme la maman du petit Jésus et son cocu de Joseph de Mari de Marie il y a 2010 ans, nous aussi on cherche à se faire héberger pour la nuit. Et c'est bien sûr l'église du coin qui ouvre ses portes à cette procession venue d'autres villages. C'est mignon mais ça me déprime quand même de voir que la désertification des églises est moins répandue que la pauvreté dans ces contrées américano-latines... Allez hop, au dodo, parce que demain, y a de la route...
Et c'est reparti, pour une autre bonne étape de montagne. Certes, ça commence par une petite montée de 3 Km et ça continue par une descente d'une douzaine qui, de bon matin et sous le soleil se fait bien apprécier. J'arrive ensuite dans une sorte de plaine où je subis un choc plus émotionnel que visuel. en effet, devant mes yeux hallucinés se dressent plusieurs niveaux de montagnes dont les plus hautes semblent immenses... Et c'est par là que je vais devoir passer. Certes, Google Maps m'a bien expliqué que j'allais devoir passer par un col à 3000 m, mais tant qu'on ne voit pas, on ne réalise pas vraiment... Là, je réalise...
Un peu plus tard, je suis à la frontière. Côté Mexique, c'est à peu près tranquille.